Je suis le vent

23 janvier 2014 — 2 février 2014

Jon Fosse
Cie De nuit comme de jour
Création

Le vent souffle. Dans la mer il y a un tel mouvement. Il faut faire demi-tour, revenir vers le rivage. Mais il maintient le cap. Dans le vent il y a un tel mouvement. Le ciel est noir. Il se sent si lourd. Et la mer est si légère. « Désormais je n’ai plus peur. » Les vagues sont si hautes. Et tout à coup il a disparu. Sa voix seule flotte encore dans l’air. « Je suis parti… Je suis parti avec le vent… Je suis le vent. »
Je suis le vent est le chef d’œuvre de Jon Fosse. Guillaume Béguin en propose une mise en scène à la fois spectaculaire et sensible, en immersion totale dans un monde d’ombres, de légères brises et de vents violents. Ici, le théâtre est avant tout une expérience, provoquant en nous des mouvements sensoriels et mentaux subtils et inattendus.
Il est rare que Jon Fosse ancre ses personnages dans l’amorce biographique que seraient des noms, des prénoms. Le flottement d’être, l’incertitude même du fait d’être au monde, sont au cœur de son théâtre. Je suis le vent se déroule en mer. Les deux héros naviguent, s’amarrent à une petite crique, discutent. Les mots leur font quelquefois défaut pour décrire leurs angoisses, leurs joies, leur difficulté de vivre. La mer, elle, est toujours là. Le paysage, havre de silence, sonne comme un appel. Ils repartent. S’arrêtent encore. Alors que le vent se lève, ils partagent l’amitié d’un verre de schnaps, la saveur d’un repas pris en commun. Bien plus tard, alors que la pièce touche à sa fin, le bateau revient au port. Mais il n’y a plus qu’un seul homme à bord. Qu’est-il arrivé ? L’un des hommes est – à ce qu’il dit – « parti avec le vent ».

Après avoir monté Édouard Levé, Martin Crimp, Magnus Dahlström, et sa propre création autour des grands singes et des origines de l’humanité (Le baiser et la morsure), Guillaume Béguin s’empare de Je suis le vent, la dernière pièce de Jon Fosse – et sans doute sa plus belle. Avec l’ambition de provoquer chez le spectateur un ébranlement – sensible et sensé, des sens et du sens.

« En Hongrie, il est courant de dire lorsqu’une soirée théâtrale est réussie, qu’un ange a traversé la scène, une fois, deux fois, plusieurs fois. Pour moi, ce moment est l’essence du théâtre : le théâtre est le moment où un ange passe sur la scène. Que se passe-t-il ces moments-là ? Bien sûr je ne sais pas. personne ne sait, parce que cela se passe ou pas ; un soir cela arrive à un moment de la pièce, le soir suivant à un autre moment. Pour moi ces moments intenses et limpides, en dépit du fait qu’ils soient inexplicables, sont des moments d’entente : ce sont des moments où les gens qui sont là, les acteurs, le public, expérimentent ensemble quelque chose qui leur fait comprendre quelque chose qu’ils n’avaient jamais compris auparavant, du moins pas comme ils le comprennent à ce moment. Mais cette entente n’est surtout pas intellectuelle ; c’est une sorte d’entente émotionnelle, qui, comme je l’ai dit, est surtout inexplicable, du moins intellectuellement.
Jon Fosse, Moi-même, en écrivain de théâtre

Mettre en scène, on dit souvent que ça consiste à poser un regard, inscrire à travers l’oeuvre son propre geste. Mais ici, tout ce qui a trait à la signification, à ce qui s’apparenterait à un discours, doit être banni (…) 
Je repense à cette pensée rom : « N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures ». Oui, peut-être, commencer par ôter mes souliers de metteur en scène, me tenir à la lisière de l’oeuvre, et ouvrir mes oreilles. C’est ce que je me suis efforcé de faire, au cours des première sessions de répétitions (…)

Guillaume Béguin, Extrait de Dans l’attente de l’ange, La couleur des jours 9. Hiver 2013-2014

Mise en scène
Guillaume Béguin

Avec
Jean-François Michelet
Matteo Zimmermann

Traduction
Terje Sinding (L’Arche Editeur)
Dramaturgie
Nicole Borgeat
Scénographie
Sylvie Kleiber
Collaboration artistique
Tamara Bacci
Costumes
Karine Dubois
Lumière
Luc Gendroz
Son
David Scrufari
Co-production
Arsenic, Théâtre du Loup

Du 23 janvier au 2 février 2014